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Pour un retour de la souveraineté populaire

Depuis 2005, les politiques français n’osent plus utiliser le référendum. Plus généralement, les médias et les élites françaises qualifient ce procédé de « pratique césariste » ou « populiste ». Il s’agit en réalité d’un prétexte pour cacher leur refus de laisser le dernier mot à un peuple qui « vote mal ». La consultation populaire directe est pourtant une pratique ancienne, saine et même essentielle pour le bon fonctionnement d’une démocratie.

Commençons par revenir sur quelques généralités. La démocratie se définit comme « le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple », selon la célèbre formule d’Abraham Lincoln. Elle a pour principe de désigner le peuple comme titulaire de la souveraineté ; lui seul a le pouvoir de décider du destin de la France et de la manière dont il veut s’organiser en société. Cette souveraineté peut s’exercer de manière indirecte – via des représentants – ou directe – via des consultations comme le référendum.

Consacrés par la constitution[1], ces deux moyens d’exprimer la souveraineté populaire – et donc la démocratie – ne jouissent pas d’une même égalité dans la pratique. Notre régime se repose de fait presque exclusivement sur un système représentatif, dont les deux organes principaux sont l’Assemblée Nationale et le Sénat.

Pourtant, à l’origine, le général De Gaulle avait tenu à intégrer le référendum dans les mœurs institutionnelles ; dans son esprit, il devait être une pratique institutionnelle courante et à laquelle nos dirigeants devraient avoir naturellement régulièrement recours. Bien que le général De Gaulle ait été le Président de la république ayant le plus utilisé le référendum au cours de ses mandats, cette pratique a été relativement respectée : chacun de ses successeurs utilisera cette option au moins une fois.

Le référendum : une pratique plébiscitaire ?

C’est sous le second mandat de Jacques Chirac qu’un changement s’est opéré. La perception du référendum par les élites françaises a changé. Auparavant considéré comme un moyen légitime de permettre au peuple de s’exprimer sans intermédiaire, il a dès lors été qualifié de « pratique plébiscitaire » s’inscrivant dans la droite lignée du bonapartisme et du césarisme. Autrement dit, le référendum ne permet pas de trancher un problème donné, mais de soutenir le chef de l’État ou de se prononcer contre lui. Selon la formule consacrée : « le référendum ne permet pas de répondre sur le fond, mais de voter pour ou contre le président en place. »

Cette argumentation ne tient pas. Prenons pour exemple le référendum de 1969, souvent cité pour démontrer les limites de la consultation populaire directe. Il est courant d’affirmer que les Français n’ont pas tant voté sur le sujet du référendum – la régionalisation – que pour ou contre le général De Gaulle.

C’est négliger le rôle de l’incarnation dans le débat politique. Certes, une idée peut être appréhendée en elle-même, mais dès lors qu’elle doit être concrétisée, il faut prendre en considération celui qui la défend et qui va l’appliquer.

Une idée peut être conçue de différentes manières, raison pour laquelle il existe plusieurs tendances au sein d’un même courant politique. Deux personnalités peuvent défendre une même idée, mais de deux façons opposées. L’incarnation n’est alors pas seulement une question de forme, elle est aussi une question de fond. La régionalisation[2] du général De Gaulle n’avait rien à voir avec la décentralisation telle qu’elle a été conçue depuis quarante ans, parce que De Gaulle et ses successeurs n’avaient pas la même vision de l’organisation territoriale que la France devait adopter. Le principe était pourtant similaire : mêler étroitement le local et le national afin d’inclure les Français au processus de décision politique et d’élaborer des mesures les plus appropriées à la réalité de la vie du pays.

L’existence de plusieurs « déclinaisons » d’une même idée s’explique par la multitude des sensibilités politiques et philosophiques qui existe. Le général De Gaulle voulait inscrire sa réforme dans un vaste projet de participation et de réforme du capitalisme pour qu’une plus grande part des citoyens bénéficie de ses fruits, sans tomber dans les folies confiscatoires et égalitaires du communisme. La décentralisation a été faite dans une volonté de désengager l’État de plusieurs de ses missions et de créer de nouveaux fiefs politiques pour ancrer les partis et leur donner une légitimité populaire et territoriale.

La question posée par un référendum ne peut donc être comprise que si elle est inscrite dans une vision globale, et cette vision ne peut exister politiquement sans incarnation. Pour cette raison, un référendum ne peut être résumé à l’idée qu’il promeut. Il engage la responsabilité de celui qui le convoque, et de la politique générale que celui-ci conduit.

Le remède à la crise démocratique

Dénoncer la « personnalisation » du référendum est en somme un contresens, en plus d’être un prétexte. Derrière cette critique se voulant « légitime » du référendum, se cache une autre réalité : nos élites estiment que le peuple français ne sait pas voter, ou plutôt qu’il vote « mal ». S’il prend une décision qui va à l’encontre de la doxa, nos médias, nos politiques et nos dirigeants trouvent mille raisons pour expliquer que ce choix n’est mû que par une pulsion ou le rejet du président en place. Les citoyens n’agissent qu’avec leurs sentiments ; la raison est l’apanage de quelques individus éduqués et surdiplômés.

Ce mépris envers le peuple, nos élites le nourrissent depuis des décennies. En 1992 déjà, nombreuses étaient les personnalités publiques qui ont grincé des dents en songeant que le traité de Maastricht n’avait été approuvé par le peuple que d’un cheveu. Cette frustration s’est transformée en haine sourde lorsque les Français ont rejeté en 2005 le traité instituant une constitution européenne. Ils ne savaient pas ce qui était bon pour eux, alors nos élites allaient le leur imposer, ce qu’ils ont fait quatre ans plus tard[3].

Nos élites ont compris la leçon : il est dangereux de demander l’avis du peuple ; c’est risquer de voir « le progrès » être freiné par des aspirations « archaïques » et « dépassées ». Aucun référendum n’a d’ailleurs été soumis aux Français depuis.

Éric Zemmour veut précisément rompre avec la logique technocratique et oligarchique qui gangrène la Ve république. Il veut renouer avec la pratique du référendum, d’une part en employant la faculté du Président de la république d’en convoquer un pour demander aux Français de trancher les grands choix de société, d’autre part en réfléchissant à l’institution d’un véritable référendum d’initiative populaire.

Cette dernière option présente l’avantage de réparer la fracture qui ne cesse de se creuser entre les Français et leurs représentants politiques. Si les citoyens estiment que leur voix n’est pas entendue, ou que leur choix n’est pas respecté, ils pourront convoquer de leur propre initiative un référendum afin de forcer leurs dirigeants à se plier à leur volonté.

Néanmoins, il convient aussi de pointer le principal risque du RIP – ou RIC. Si le nombre de signatures requis pour convoquer un référendum est trop bas, des minorités suffisamment structurées pourraient théoriquement l’utiliser afin d’en faire un outil de blocage institutionnel, en demandant des référendums dès lors qu’une réforme ou qu’un débat concernant cette minorité seront engagés. Notre pays étant profondément fracturé et divisé, ce risque n’est pas à minimiser.

Il ne s’agit pas cependant d’un argument suffisant pour balayer d’un revers de la main l’institution d’un RIP : il suffirait d’inscrire le principe de ce référendum dans la constitution, et de laisser à une loi organique constitutionnelle le soin de déterminer un nombre de signatures qui le rende accessible aux citoyens sans toutefois en faire une arme pour les minorités.

Comme le dit Éric Zemmour, il faut « rendre la parole au peuple », d’abord pour une question de légitimité – seul le peuple est souverain en démocratie – mais également pour une raison historique. Les Français sentent de plus en plus que leur avenir en tant que nation est menacé et que si rien n’est entrepris pour stopper l’immigration massive, ils seront remplacés par d’autres peuples. La doxa progressiste et mondialiste domine sur les plateaux de télévision, mais son emprise ne fait que décroître au sein de la population, qui subit chaque jour la dureté du réel.

Pour sauver la France, les Français devront trancher. Pour qu’ils tranchent, ils devront faire entendre leur voix. Pour faire entendre leur voix, ils devront élire un homme qui leur redonnera leur pouvoir.

Et si cet homme, c’était Éric Zemmour ?

Rafaël P.
Rédacteur

[1] Article 3 de la constitution de 1958 instituant la Ve république.

[2] Le général De Gaulle voulait conduire une forme de décentralisation sans porter atteinte à l’autorité de l’Etat et au « jacobinisme » qui avait permis à la France de naître et de prospérer. Il s’agissait d’une forme de centralisation aménagée.

[3] En 2009, Nicolas Sarkozy a fait ratifier le traité de Lisbonne par l’Assemblée Nationale et le Sénat, qui reprenait au mot près les dispositions du traité instituant une constitution européenne. 

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