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Les parrainages de l’élection présidentielle : une nécessaire réforme

Le recueil des parrainages pour l’élection présidentielle est bientôt clos. Si le risque que plusieurs des principaux candidats n’aient pas leurs parrainages est écarté, il est indéniable que nous avons été proches d’un véritable scandale démocratique. Dans ce contexte, Génération Z revient sur ce système, décidé au début de la Vème République, et qui démontre aujourd’hui ses limites.

 

Le système des parrainages – ou des présentations – c’est quoi ?

Le système des parrainages accompagne la mise en place de la réforme de 1962 introduisant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. À cette époque, un candidat à l’élection présidentielle devait être présenté – ou parrainé – par au moins cent élus, et ce afin d’éviter que n’importe qui puisse se porter candidat.

Par ailleurs, une contrainte de représentativité nationale avait également été mise en place afin d’empêcher des candidatures portant une revendication trop régionale. Depuis lors, quelques révisions du système ont été opérées et il faut désormais que les candidats disposent d’au moins cinq cents parrains parmi les élus, avec la condition que ces derniers soient issus d’au moins trente départements ou collectivités d’outre-mer différents et qu’au maximum un dixième n’émane du même département ou de la même collectivité.

Enfin, il convient de préciser que tous les parrainages doivent être effectués pendant une durée limitée, de cinq semaines environ pour les élections de 2022, et qu’ils sont contrôlés et validés par le Conseil constitutionnel qui les rend tous publics.

Les différentes révisions du système des parrainages : un détournement de la vision d’origine

Pour comprendre l’essence-même du système de filtrage opéré par les parrainages, il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Le Général De Gaulle, par le référendum de 1962, fait de l’élection du chef de l’État un moment populaire, un moment où tous les citoyens ont l’opportunité de choisir le Président de la République. L’idée est assez claire : démocratiser l’élection présidentielle en passant d’un collège électoral majoritairement constitué d’élus à l’ensemble des citoyens du pays.

Aussi, afin de garder une continuité avec l’ancien système qui prévoyait que les candidats à l’élection présidentielle devaient être soutenus par cinquante membres du collège électoral, et principalement dans une optique d’écarter les candidatures fantaisistes – comme l’a très récemment souligné le Président du Sénat –, lors des trois premières élections présidentielles au suffrage universel et direct, les candidats ne doivent recueillir qu’une centaine de parrainages, non rendus publics.

Le détournement de cette vision intervient en 1976. À la suite de deux recommandations émises par le Conseil constitutionnel dans une décision du 24 mai 1974, considérant qu’un nombre trop élevé de candidats passaient le filtre des parrainages (à savoir six en 1965, sept en 1969 et douze en 1974 – il y aura au minimum neuf candidats à chaque élection présidentielle depuis 1974), une loi est adoptée en 1976. Celle-ci fait passer de cent à cinq cents le nombre de parrainages nécessaires pour concourir à l’élection présidentielle ; et, dans le cas où un candidat en obtiendrait davantage, le Conseil constitutionnel en rend publics au moins cinq cents. Enfin, en 2016, une nouvelle loi vient accentuer la publicité en la rendant obligatoire pour tous les parrainages.

Alors, pourquoi s’agit-il d’un détournement ? Comme expliqué précédemment, l’essence de la réforme de 1962 était de démocratiser l’élection du Président de la République en rendant presque inexistant le rôle des élus. Toutefois, avec ces différentes réformes, on a redonné une importance non négligeable aux élus, tant par la quantité de présentations requises, que par le côté solennel de la publicité qui expose l’élu. Dès lors, quant au nombre de parrainages requis, un candidat populaire au niveau national ou ne représentant aucun parti déjà affirmé, et qui ne disposerait pas d’une attache locale, pourra se retrouver face à des élus préférant apporter leur parrainage à un candidat moins populaire, mais appartenant à un parti « historique ». Enfin, quant à la publicité, un élu pourra subir des pressions des collectivités territoriales, se faire attaquer voire menacer pour avoir participé à faire vivre le débat démocratique du pays.

Le système actuel : un péril pour la démocratie française et pour la stabilité du pays

À l’heure actuelle, Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan ont enfin réuni leurs cinq cents parrainages. Pourtant, malgré de constants sondages plaçant depuis des mois ces quatre personnalités à près de 40% des intentions de vote, il aura fallu une réelle mobilisation et de nombreux appels aux élus pour que le risque de ne pas les voir au premier tour soit écarté, et ce seulement deux jours avant la dernière publication des parrainages validés par le Conseil constitutionnel.

Dans une période incertaine comme la nôtre, et sans considérer par ailleurs les abstentionnistes, il était impensable qu’une part aussi importante de la population ne puisse être représentée lors du prochain suffrage. Il aurait pu en résulter une absence de légitimité criante et, par extension, cela aurait renforcé la crise démocratique que connaît la France. Pire, un mécontentement généralisé aurait pu émerger, rendant possible des troubles à court et moyen termes.

Alors, quelle solution ? Ne rien faire semble être la moins bonne posture à tenir. Conserver un système arrivé à bout de souffle est la meilleure assurance pour des lendemains difficiles. Certains hommes et femmes politiques paraissent l’avoir compris, au contraire de candidats comme Anne Hidalgo ou Jean Lassalle. D’autres, enfin, ont une conception limitée de la démocratie et du débat des idées puisque, à l’instar de Sandrine Rousseau, ils n’hésitent pas à vouloir exclure les soi-disant candidats d’extrême droite de toute évolution favorable du système des parrainages.

Finalement, en attendant de futurs changements substantiels, la solution à court terme serait de revenir sur l’obligation de publicité des parrainages.

W. R.
Rédacteur

Sources :

https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/presidentielle-pour-reformer-les-parrainages-gerard-larcher-met-trois-propositions-sur-la-table-8aff1c1a-94b2-11ec-bde8-dbba9f3f1962

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000684037/2022-02-26/

https://www.vie-publique.fr/eclairage/23872-parrainage-des-candidats-la-presidentielle-les-500-signatures

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1974/7433pdr.htm

https://presidentielle2017.conseil-constitutionnel.fr/tout-savoir/parrainages/historique-publication-parrainages/index.html

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