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Le pronom « iel » ou le sexe des anges

La théorie du genre s’impose de plus en plus sur le champ sémantique. Génération Z revient sur les contradictions internes de la théorie du genre et sur son mysticisme.  

Le pronom « iel » a récemment fait son entrée dans le dictionnaire en ligne du Petit Robert. La définition du terme est la suivante : « Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre. » Pour ceux qui s’inquiéteraient de la masculinisation du terme, iel peut s’écrire « ielle ». 

La peste inclusive

Le sujet pourrait prêter à sourire si les évolutions sémantiques de la théorie du genre ne s’imposaient pas dans la société à une vitesse effroyable. L’écriture inclusive a contaminé de nombreuses sphères de communications. Mails professionnels, mails universitaires, articles de journaux, offres d’embauches, l’écriture inclusive se répand comme la peste, particulièrement dans le monde professionnel et universitaire. 

Après s’être imposée dans le débat public, il n’a fallu que quelques années pour qu’elle entre discrètement dans l’école. Le manuel « Questionner le monde », chez Hatier, destiné aux élèves de CE2, est le premier manuel scolaire en écriture inclusive. En 2017, un manifeste de plus de 300 professeurs refusait catégoriquement d’enseigner la règle de grammaire stipulant que le masculin l’emporte sur le féminin. Au brevet des collèges 2021, la consigne d’un sujet de français était : « Écrivez un texte poétique dans lequel vous donnerez la parole à un élément de la nature qui exprimera sa liberté et sa beauté. Vous commencerez par ‘‘Je suis…’’ et vous terminerez par ‘‘Je suis vivant.e’’. » 

Face au fléau, Jean-Michel Blanquer a officiellement interdit l’écriture inclusive à l’école pour tenter d’enrayer le mouvement. 

La mystique féministe : entre aberrations et contradictions

Toutefois à gauche, le pronom « iel » ne fait pas l’unanimité. Dans un article récent du Nouvel Obs, l’emploi du pronom est encore trop patriarcal. Le journal fait appel à la référence des références de la déconstruction et de la critique du phallocentrisme, le philosophe Jacques Derrida. Le Nouvel Obs lance le ton avec une citation de Derrida : « Déconstruire l’opposition, c’est d’abord, renverser la hiérarchie. » « Iel » n’est pas dans ce renversement hiérarchique puisque le « i » du « il » et donc de la masculinité s’impose sur le « e » de « elle ». L’article parle du pronom « iel » comme « d’un cheval de Troie de la métaphysique patriarcale. » 

C’est effectivement sur un plan métaphysique que s’impose ce débat. Non pas celui du cadavre molesté du patriarcat, mais celle d’une mystique féministe qui percevrait, en l’homme (ou la femme) dépouillé de toute influence sociologique, un être pur, libre de toute forme d’oppression et soumis à aucune norme sur le plan de l’identité sexuelle. Le corps naturel ne signifierait rien, le wokisme est dans le rejet total du donné naturel. On pourrait changer de sexe comme bon nous semble. L’individu serait capable de se définir et construire par lui-même. Le corps ne serait qu’un obstacle à sa propre identité sexuelle. 

Mais alors comment comprendre cette aberrante expression « une femme née dans un corps d’homme », car d’où vient le sentiment d’être une femme s’il n’a pu être produit par ce corps d’homme (et inversement) ? Et d’où vient ce sentiment d’être une femme (pour un homme) si ce sentiment n’a pu se construire dans une société patriarcale et hétéronormée ? Ainsi, « femme dans un corps de d’homme », ne serait devenu femme ni par sa nature ni par sa culture. Epuré de tout, il serait femme malgré son corps d’homme. La théorie du genre est une mystique.

Un débat tragi-comique

En réalité, sans le vouloir, la théorie du genre a produit ce qu’elle rejetait. En rejetant une hétéronormativité, elle a produit une nouvelle norme. En abattant une hiérarchie, elle en a formé une nouvelle. Bérénice Levet, philosophe, rapporte dans son essai « la théorie du genre ou le monde rêvé des anges » le témoignage d’adolescents souffrant « désespérément » de leur hétérosexualité. L’essai de Bérénice Levet fait le parallèle entre la neutralité asexuée des anges dans le christianisme et l’aspiration à cette neutralité par les néo-féministes. La comparaison sur le sexe des anges et d’autant plus intéressant qu’elle rappelle « les querelles byzantines » de 1453, querelles de moines orthodoxes débattant du sexe des anges pendant que les troupes de l’Empire Ottoman assiégeaient Constantinople. Marx disait : « Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. »

Julien Vanhaecke
Rédacteur

Génération Z

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