La guerre en Ukraine : un drame qui aurait pu être évité
La guerre qui fait actuellement rage en Ukraine est une crise européenne majeure. Elle est cependant traitée de manière simpliste et manichéenne par la plupart des médias et des responsables politiques occidentaux. Dans ce contexte, Génération Z propose de livrer une analyse plus poussée et approfondie de ce conflit.
Le 24 février à l’aube, le président russe Vladimir Poutine a adressé un message fort au monde. Sur un ton solennel, seul, assis derrière son bureau, il a déclaré lancer « une opération militaire » afin « de démilitariser et de dénazifier l’Ukraine ». Il a également cherché à dissuader toute intervention étrangère en promettant une « réponse immédiate de la Russie à ceux qui tenteraient d’interférer » dans cette opération. Depuis, divers fronts ont été ouverts sur le territoire ukrainien et de nombreuses villes ont été bombardées.
Face à la trop grande partialité des médias français et occidentaux sur la situation ukrainienne, il est impératif de nuancer la vision binaire des "méchants russes et des gentils occidentaux". Il ne fait aucun doute que l’acte de Vladimir Poutine est illégal et condamnable, mais nous devons nous interroger.
Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il lancé des attaques sur l’Ukraine ? Quels sont les scénarios possibles et quelles propositions sont formulées aujourd’hui ?
Pour répondre à ces questions, il est impératif de revenir sur l’Histoire de la Russie et de l’Ukraine. Il sera alors possible de comprendre les origines de cette guerre et de déterminer les solutions qui permettraient d’y mettre fin.
La Russie et l’Ukraine, une histoire commune de longue date
Il est fondamental de rappeler l’histoire commune partagée par ces deux pays, Kiev (capitale de l’Ukraine moderne) étant considéré comme le berceau de la civilisation slave. La Rus’ de Kiev est une principauté slave orientale ayant existé entre les IXème et XIIIème siècles, qui rassemblait les États Biélorusse, Russe, Polonais et Ukrainien, ce qui en faisait l’État le plus étendu d’Europe. Avec la disparition du Rus’ de Kiev suite à l’invasion mongole, les peuples ukrainien et russe sont séparés, les uns demeurant sous domination mongole ou intégrant le Grand-duché de Lituanie, les autres formant le Tsarat de Russie.
Au XVIIème siècle, les Ukrainiens rattachés au Grand-duché de Lituanie entrent en conflit avec le Royaume de Pologne et tentent d’acquérir leur indépendance en s’alliant à l’État moscovite qui en devient le garant. Peu à peu, le jeune État cosaque – ancêtre de l’Ukraine – entre en conflit avec la Russie pour une plus grande autonomie, jusqu’à ce qu’il soit définitivement rattaché à l’empire russe sous le règne de Catherine II au XVIIIème siècle. A la même époque, la guerre russo-turque se solde par un rattachement de la Crimée à l’empire russe, qui la développe en y créant le port de Sébastopol [1].
Dans le cadre de la révolution bolchévique de 1917, la République Populaire d’Ukraine proclame son autonomie puis son indépendance, suscitant une répression de la jeune URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques), avide de récupérer l’Ukraine. C’est en 1921 que les indépendantistes ukrainiens sont contraints de déposer les armes et d’intégrer l’URSS. En 1954, le chef de l’État russe Nikita Khrouchtchev, rattache la Crimée à l’Ukraine à l’occasion du 300ème anniversaire de la réunification de l’Ukraine et de la Russie, un « simple cadeau » n’ayant qu’une portée symbolique, qui deviendra bientôt la source d’un nouveau conflit.
La fin de la Guerre Froide et l’installation de tensions russo-ukrainiennes durables
Avec la dislocation de l’URSS en 1991, les « républiques » qui la composaient déclarent une à une leur indépendance, dont l’Ukraine. La Crimée quant à elle, devient une « République autonome », pourvue de sa propre Constitution et est rattachée à l’Ukraine.
Les tensions entre pro-russes et pro-européens se multiplient sur le territoire « offert » par Khrouchtchev quelques décennies auparavant. Au fil des années, les divisions ne cessent de s’intensifier en Crimée et en Ukraine entre pro-russes et pro-européens tandis que les relations russo-ukrainiennes demeurent tendues (notamment en raison de la Flotte de la mer Noire de la marine russe abritée par la Crimée et de tensions autour de la mer d’Azov).
Des suites de la Révolution Orange avortée de 2004, les relations entre Kiev et Moscou se détériorent et les crises gazières se multiplient. Après l’apaisement de 2010-2014 incarné par le président Ukrainien Victor Ianoukovytch (considéré comme pro-russe du fait des accords qu’il signe avec Moscou), les tensions remontent lorsqu’il est question d’un « accord d’association » de l’Ukraine à l’Union européenne. La Russie tente alors de s’y opposer via des pressions économiques et diplomatiques.
Face à la décision de Ianoukovytch d’abandonner les négociations avec l’Europe, des manifestations pro-européennes connues sous le nom d’euromaïdans éclatent en Ukraine et contraignent ce dernier à démissionner dans un contexte de guerre civile. L’opposition pro-occidentale prend le pouvoir tandis que des conflits éclatent en Crimée et au Donbass où les pro-russes (soutenus par Moscou) se rebellent.
Les conséquences de cette guerre civile de 2014 sont majeures et sont étroitement liées avec la crise actuelle. Premièrement, Victor Ianoukovytch (pro-russe) est contraint à démissionner, il est remplacé par un gouvernement (pro-européen) qui tente de se rapprocher des États-Unis et de l’Union européenne, créant ainsi de fortes tensions avec la Russie, désireuse de protéger son glacis ou « étranger proche ». Deuxièmement, la Crimée est annexée par la Russie (après une opération militaire de la Russie et un référendum), ce qui a renforcé d’autant plus les tensions entre les Russes et les Occidentaux (sanctions économiques et diplomatiques). Enfin, une guerre civile éclate dans le Donbass où une majorité de russophones et russophiles ont pris les armes (soutenus par Moscou), contre le gouvernement ukrainien pro-européen.
La crise russo-ukrainienne actuelle
Entre 2014 et début 2022, le conflit au Donbass s’est ancré et les tensions n’ont cessé de croître. La Russie continue d’être dirigée d’une main de fer par Vladimir Poutine depuis 2000 tandis que l’Ukraine s’est dotée d’un nouveau président en 2019 : l’ancien acteur de cinéma Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien doit gouverner un État faible, gravement endetté, gangrené par la corruption et faisant face à des difficultés de gestion et à l’essor sans précédent de multiples milices armées.
Entre 2020 et 2021, les violations des accords de cessez-le-feu (Accords de Minsk, 2014 et 2015) n’ont cessé de se multiplier et les diverses tentatives diplomatiques ont échoué. A l’hiver 2021, la Russie a massé 100 000 hommes le long de ses frontières avec l’Ukraine et a multiplié ses manœuvres militaires, suscitant la peur à Kiev qui a sollicité le soutien de l’OTAN (Organisation de l’Atlantique Nord) et l’accélération du processus d’intégration auprès de l’UE (Union européenne). Durant les mois de novembre et de décembre 2021, Russes et Ukrainiens ont renforcé leur déploiement militaire vers leurs frontières.
Le 17 décembre 2021, la Russie a présenté deux textes pour la paix et le cessez-le-feu : le premier intitulé « le Traité entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie et des Etats-membres de l’OTAN », et le second : « Accord sur les mesures pour assurer la sécurité de la Fédération de Russie et des Etats-membres de l’OTAN ». Ces deux textes proposés par Vladimir Poutine comprenaient plusieurs exigences : l’interdiction de tout nouvel élargissement de l’OTAN et d’activités militaires proches de la frontière russe (1) ; la demande de non-déploiement de militaires et d’armements supplémentaires dans les pays ayant rejoint l’OTAN en 1997 (notamment la Roumanie et la Bulgarie) (2) ; et l’interdiction de l’implantation de nouvelles bases américaines sur le sol de l’ex-URSS (3). Mais l’Ukraine et les occidentaux n’ont pas répondu favorablement aux propositions d’accord de Vladimir Poutine.
Durant les mois de janvier et de février 2022, les tensions entre Russes et Ukrainiens sont allées crescendo et les combats au Donbass se sont intensifiés. Le véritable tournant date du 21 février, lorsque Vladimir Poutine a annoncé durant une allocution télévisée, « reconnaître l'indépendance des républiques populaires de Donetsk et Lougansk ». Les Occidentaux menés par les Américains ont multiplié leurs menaces de représailles et de sanctions économiques tandis que deux jours plus tard, Vladimir Poutine a annoncé lancer une opération militaire en Ukraine et a déployé hommes, chars et bombes sur le territoire ukrainien.
Comment en est-on arrivé à cette situation ?
Loin de nous l’idée de justifier les actions belliqueuses du président russe ; nous cherchons ici à en comprendre les motivations. Comme le rappelle Éric Zemmour, le choix de Poutine d’intervenir militairement n’est aucunement justifiable, la Russie n’étant ni attaquée ni menacée directement par l’Ukraine.
Poutine a choisi la voie de la guerre afin de s’opposer fermement au dialogue américano-ukrainien sur une possibilité d’intégration de l’OTAN par l’Ukraine. Le président russe fonde sa politique étrangère et de sécurité sur le maintien à tout prix de son glacis protecteur – visant à conserver dans le giron russe ses proches voisins afin d’assurer la sécurité de ses frontières. Cette doctrine est ancienne – elle a notamment permis la victoire russe durant la campagne de Russie menée par Napoléon – et peut être résumée simplement : la ligne rouge pour Poutine, ce sont les anciens États du bloc de l’URSS.
Malheureusement, les Occidentaux et notamment les Américains n’ont que faire des considérations russes. C’est ainsi que depuis la fin de la Guerre Froide, les anciens pays dits « satellites du bloc de l’est » ont intégré un à un l’OTAN puis l’Union européenne. Cette extension occidentale s’est réalisée au détriment de la Russie qui a perdu une partie de ses anciennes zones d’influence et y a vu la multiplication de bases militaire américaines.
Aujourd’hui, le nouvel objectif d’élargissement européano-otanien est l’Ukraine, pays considéré comme le berceau de la civilisation slave, ayant fait partie intégrante de l’URSS, abritant de nombreux russophones et ayant des frontières directes avec la Russie. L’Ukraine apparait ainsi bien au-delà de la ligne rouge pensée par Poutine. L’Ukraine pour la Russie est l’équivalent de Cuba pour les États-Unis durant la Guerre Froide (cf. crise des missiles de 1962). De manière plus contemporaine, comment réagiraient les États-Unis si la Chine intégrait le Mexique au sein de son alliance militaire ?
Quelles sont les propositions formulées pour mettre un terme à ce conflit ?
Dès lors que nous avons identifié et compris les origines de cette guerre, quelles sont les propositions formulées en vue d’y répondre ?
Joe Biden a annoncé une série de nouvelles actions contre la Russie (gel des actifs russes aux États-Unis, limitation sur les exportations notamment) ; les États européens ont fait de même. Les États-Unis n’interviendront pas militairement en Ukraine, ni l’OTAN, ni leurs alliés européens. Certains d’entre eux enverront des armes en Ukraine voire renforceront leurs déploiements militaires dans les pays voisins (pays baltes et Roumanie notamment). Dans ces conditions il y a fort à parier que les Russes renforceront leurs attaques et domineront l’Ukraine d’ici peu. Mais alors, à part mettre un drapeau bleu et jaune sur les réseaux sociaux, les chaînes télévisées et les applications gouvernementales, et « condamner fermement les actions de la Russie » lors de réunions et de discours, que peut faire la France ?
Éric Zemmour appelle les Occidentaux à admettre leur responsabilité dans l’escalade des menaces à l’est et à comprendre les revendications russes par rapport à l’expansion de l’OTAN. Afin de faire entendre sa voix, la France doit rééquilibrer ses relations avec les États-Unis et la Russie et se poser en puissance d’équilibre.
Depuis le 14 février, Éric Zemmour appelle la France à négocier en urgence avec les États européens et la Russie un traité consacrant la fin de l’expansion de l’OTAN à l’est. Ce traité aurait comme corollaire la résolution des conflits territoriaux en Europe orientale, le respect de la liberté et de la souveraineté de tous les États et le retrait des troupes russes à la frontière de l’Ukraine. Un tel traité devra être négocié lors d’un sommet à Paris pour atteindre une paix durable.
Éric Zemmour insiste sur l’urgence à « faire taire les armes » et appelle le président Emmanuel Macron à proposer la médiation de la France afin d’obtenir un cessez-le-feu immédiat comme l’avait fait Nicolas Sarkozy en 2008 durant la crise géorgienne. La France a un devoir de puissance pour préserver la paix, c’est ainsi qu’Éric Zemmour propose de porter le budget des Armées à 70 milliards d’euros d’ici à 2030 afin de remplir les objectifs de puissance et d’indépendance de la France.
Emmanuel Macron prendra-t-il en compte ces considérations ou restera-t-il dans l’ombre des États-Unis ? Choisira-t-il une France indépendante, véritable puissance d’équilibre, ou demeurera-t-il le laquais des États-Unis ?
Tiffany
Rédactrice relations internationales
[1] Lire Catherine II, Hélène Carrère d’Encausse, édition Fayard, 2002.