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États-Unis et Europe : « l’Alliance des Démocraties », réalité ou chimère ?

Sept mois après son arrivée au pouvoir, le président américain Joe Biden se rend en Europe, à l’occasion du G7. Certains vous diront que cette visite est le signe d’un message clair, celui du retour du grand allié américain, de la réconciliation après quatre années tendues durant la présidence de Donald Trump. Tandis que d’autres, s’évertueront à vous expliquer les raisons de cette visite tant attendue : rallier les européens à la cause américaine contre l’ennemi chinois.

C’est cette deuxième option qu’a choisi Éric Zemmour. Durant l’émission Face à l’Info de ce mercredi 9 juin, l’éditorialiste est revenu sur les caractéristiques présentes et passées de l’alliance euro-américaine. Tout commence en 1917 avec l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Allemagne pour des « raisons démocratiques » : Woodrow Wilson justifie son choix en l’annonçant comme « l’alliance des démocraties contre le monarque autocrate Guillaume II ». Il actualise ainsi la théorie de la Destinée Manifeste étatsunienne : outre leur mission de propagation de la civilisation, les Etats-Unis s’affirment comme les grands défenseurs de la Démocratie à travers le monde. Depuis lors, le discours étatsunien n’a que très peu changé, les présidents successifs agitant chacun leur tour le spectre de la défense de la Démocratie. De la Première Guerre Mondiale, contre le monarque Guillaume II, à la Deuxième Guerre Mondiale, contre le Nazisme, sans oublier la Guerre Froide, contre l’Union Soviétique, Washington n’a cessé de renouveler ses alliances avec les européens au nom de la Sainte Démocratie.

Mais que cache en réalité cette alliance « démocratique » américano-européenne ? En premier lieu, elle permet aux Etats-Unis de se poser comme nation occidentale dominante, remplaçant ainsi les hégémonies françaises et britanniques depuis 1917. Ensuite, elle permet à Washington de « remettre de l‘ordre dans le poulailler » selon les propos d’Éric Zemmour, la stratégie américaine depuis 1918 étant de rassembler les européens pour mieux les dominer avec leur consentement, comme le résumait Paul Valéry en 1931 : « L’Europe aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine ». Enfin, cette alliance des démocraties permet à Joe Biden de répondre à ses objectifs stratégiques : se préparer avec ses alliés à affronter l’ennemi chinois.

En résumé, cette visite européenne de Joe Biden n’est que la manifestation du smart power américain¹ : rappeler la domination de Washington sur les Européens tout en les poussant à une nouvelle alliance au nom de la Démocratie contre la menace chinoise. La visite de Joe Biden s’inscrit dans le cadre d’une opération de séduction envers les européens afin de les inciter à s’allier à Washington. L’opération séduction du président américain se matérialise par le retour des Etats-Unis à la table des négociations avec l’Iran (accord cher à la diplomatie européenne), s’incarne par le véritable « cadeau » fait à l’Allemagne avec la levée des sanctions sur le gazoduc russe Nord Stream 2 (qui permettra à l’Allemagne de compenser son déficit énergétique) et se manifeste par le soutien du président américain à l’instauration d’une taxe de 15% sur les multinationales (une taxe souhaitée depuis des années par Bruxelles). C’est en agitant ces mesures que Joe Biden compte rassembler son « poulailler européen » derrière lui et son étendard de la Démocratie contre une Chine autocrate et irrespectueuse des Droits de l’Homme, notamment dans la province du Xinjiang envers les Ouighours.

N’oublions pas que ce sont les mêmes Etats-Unis qui 50 ans auparavant, n’hésitaient pas à participer à des coups d’états et soutenaient les dictateurs latino-américains au grand dam des Démocraties lorsque cela servait leurs intérêts. Alors, « l’alliance des Démocraties », une chimère ou une réalité ?

Tiffany
Rédactrice / International

¹ Notion définie en 2011 par l’américain Joseph Nye dans son livre The Future of Power, selon laquelle l’efficacité de l’influence d’une nation passe par la combinaison habile à la fois du hard et du soft power, combinaison qu’il nomme smart power.

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